Point de l'ordre du jour 4.2 GF 01/4   

Forum Mondial FAO/OMS
des Responsables de la Sécurité Sanitaire des Aliments
Marrakech (Maroc), 28-30 janvier 2002

Echanges de données d'expérience nationale dans le domaine général de la gestion du risque

Préparé par la délégation de la France



Force est de constater actuellement que la sécurité sanitaire des aliments constitue une exigence prioritaire des consommateurs citoyens. Ils veulent des aliments sains et sûrs qui préservent leur état de santé.

Il incombe aux autorités responsables de la sécurité sanitaire des aliments de répondre aux attentes des consommateurs et de leur garantir un niveau élevé de protection de leur santé, en adoptant les mesures qui s'imposent.

La gestion du risque est l'un des outils essentiels dans la mise en place des systèmes de sécurité sanitaire des aliments et il semble opportun d'avoir un échange d'expériences sur ce thème de façon à ce que tous les pays soient en mesure de disposer d'informations leur permettant d'adopter les mesures nécessaires pour protéger la santé des consommateurs.

Le thème de la gestion de risque est large, et au-delà des deux sujets particuliers qui seront abordés de façon détaillée au cours du groupe de discussion " Echanges de données d'expérience nationale dans le domaine général de la gestion du risque ", à savoir " Réduction des maladies, d'origine microbiologique ou autres, transmises par les aliments " et " Approches intégrées dans la gestion de la sécurité sanitaire des aliments ", je souhaiterais, pour introduire les débats du groupe de discussion, balayer les différentes facettes de cette thématique et les façons dont le gestionnaire du risque, le responsable politique, peut l'utiliser.

I. EN PREMIER LIEU, QU'EST-CE CE QUE LA GESTION DU RISQUE?

C'est tout d'abord l'un des trois volets de l'analyse de risque, qui comporte également l'évaluation des risques et la communication sur les risques. Le Codex Alimentarius en a adopté une définition : la gestion du risque est un processus consistant à mettre en balance les différentes politiques possibles compte tenu de l'évaluation des risques et d'autres facteurs ayant trait à la protection de la santé des consommateurs et à la promotion de pratiques du commerce équitables, et à prendre les décisions en conséquence, c'est-à-dire à choisir et à mettre en _uvre les mesures de prévention et de contrôle appropriées.

La gestion du risque alimentaire est donc une prérogative politique qui implique de mettre en relation les recommandations formulées par les experts chargés de l'évaluation scientifique des risques et les moyens de toute nature que la collectivité, les entreprises et les producteurs peuvent consacrer à la maîtrise de ces risques.

II. COMMENT LES RESPONSABLES DE LA RÉGLEMENTATION EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS PEUVENT-ILS GÉRER UN RISQUE CONNU OU À VENIR AFIN DE PROTÉGER LA SANTÉ DU CONSOMMATEUR ?

1. Baser les politiques et mesures adoptées sur une évaluation des risques

C'est non seulement une recommandation, mais également un devoir pour les pays membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). En effet, l'accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (accord SPS) de l'OMC précise que les membres de l'OMC établiront leurs mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base d'une évaluation des risques.

A ce propos, rappelons que l'évaluation des risques est un processus scientifique par étapes, qui consiste à identifier et à caractériser les dangers, puis à évaluer l'exposition à ces dangers pour aboutir à la caractérisation du risque (probabilité que le danger puisse s'exprimer réellement).

L'évaluation des risques est un support particulièrement important dans le cas de risques nouveaux ou émergents.

Exemple : Il y a 2-3 ans les contrôles à l'importation en France ont mis en évidence, à des fréquences très élevées, des germes du genre Vibrio parahaemolyticus sur des crevettes. Jusqu'alors la découverte de ces germes donnait lieu à la mise en place de mesures conservatoires (destruction des lots) du fait du caractère pathogène de V. parahaemolyticus ( l'une des causes importantes de gastro-entérites liées à l'ingestion de produits de la mer). La constatation nouvelle de l'augmentation de la présence fréquente de ce germe a conduit le gestionnaire du risque à faire réaliser une évaluation du risque sur ce problème particulier. Cette dernière a permis d'affiner la position du gestionnaire du risque puisqu'elle a conclu que :

seules les souches de V. parahaemolyticus produisant une toxine, l'hémolysine, sont pathogènes ;

la mise en évidence des germes de V. parahaemolyticus produisant des hémolysines est possible par des techniques moléculaires.

Au vu de ces conclusions, les gestionnaires du risque a modifié son approche face au risque V. parahaemolyticus  de la façon suivante:

destruction de tout lot contaminé par une souche de V. parahaemolyticus possédant un gène d'hémolysine ;

mise sur le marché des autres lots (sur lesquels des souches de V. parahaemolyticus ne produisant pas d'hémolysine ont été mises en évidence).

L'évaluation des risques doit aussi contribuer à la réalisation d'un niveau élevé de la protection de la santé du consommateur. Il importe donc que l'évaluation des risques, qui rappelons-le sert à l'élaboration de la réglementation en matière de sécurité sanitaire des aliments, réponde à plusieurs critères :

l'excellence, à savoir être issue d'une expertise scientifique de très haut niveau;

l'indépendance, c'est-à-dire être la plus objective possible et en particulier n'avoir aucune interaction avec les lobbies économiques;

la transparence ;

se fonder sur les informations scientifiques et techniques utiles et disponibles.

Afin de garantir l'indépendance et la transparence de ce support scientifique et technique de haute qualité, certains pays ou groupement d'intérêt régional ont décidé de séparer l'évaluation des risques de la gestion des risques, tout en maintenant les seules interactions indispensables dans une approche pragmatique. Cette logique est d'ailleurs internationalement reconnue puisque selon le Codex Alimentarius, une séparation fonctionnelle doit exister entre l'évaluation et la gestion des risques.

Exemple : En France, la loi a créé en 1998 une structure d'expertise scientifique, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments(Afssa), chargée d'évaluer les risques sanitaires et nutritionnels que peuvent présenter les aliments destinés à l'homme et à l'animal, y compris ceux pouvant provenir des eaux destinées à la consommation humaine. Elle a aussi pour mission d'assurer l'appui scientifique et technique nécessaire à l'élaboration de la réglementation.

Cette structure a une compétence scientifique large appliquée à la sécurité alimentaire, depuis la production des matières premières (produits animaux et végétaux) jusqu'à la distribution au consommateur final.

Elle est organisée autour de comités d'experts spécialisés en matière de nutrition, microbiologie, biotechnologie, encéphalopathie spongiformes subaiguës transmissibles, résidus et contaminants chimiques et physiques, alimentation animale, matériaux au contact, additifs, arômes et auxilliaires technologiques, santé animale, eaux.

Placée sous la triple tutelle des ministères de l'agriculture et de la pêche - de l'économie, des finances et de l'industrie, - et celui de la solidarité et de l'emploi, l'Afssa est une agence qui rend des avis scientifiques indépendants.

De manière à en garantir l'indépendance, les membres de ses comités d'experts spécialisés ont été nommés après appel public à candidature.

En outre, l'Afssa constitue avec 13 laboratoires nationaux spécialisés, un centre de recherche et d'appui technique aux gestionnaires français du risque en matière de sécurité sanitaire des aliments.

Ces derniers travaillent en étroite collaboration avec elle. Consultée obligatoirement pour tout changement de la réglementation liée à la sécurité sanitaire des aliments, l'Afssa peut proposer toute mesure qu'elle juge opportune pour préserver la santé publique.

L'Afssa a également un rôle de veille et d'alerte, un devoir d'information et de transparence. Ses avis et recommandations sont rendus publics. Elle ne dispose d'aucun pouvoir de contrôle.

2. Le principe de précaution, en l'absence de preuve scientifique suffisante

Une exception à l'obligation d'établir les mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base d'une évaluation du risque existe toutefois. Elle permet aux gouvernements d'adopter certaines mesures sanitaires ou phytosanitaires même lorsque l'évaluation du risque est incomplète et d'utiliser la précaution pour protéger leurs citoyens. En effet, l'accord SPS (article 5.7) stipule que dans le cas où les preuves scientifiques pertinentes seront insuffisantes, un pays membre de l'OMC pourra provisoirement adopter des mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base des renseignements pertinents disponibles. Dans de telles circonstances, les pays s'efforceront alors d'obtenir les renseignements additionnels nécessaires pour procéder à une évaluation plus objective du risque et réexamineront en conséquence la mesure sanitaire ou phytosanitaire dans un délai raisonnable.

De ce fait, l'incertitude scientifique ne peut servir d'excuse à un décideur de s'abstenir d'agir face à un risque alimentaire. Ainsi lorsque la perception d'une situation potentiellement dangereuse et irréversible commence à émerger, mais que les données scientifiques manquent pour obtenir une évaluation scientifique complète, les gestionnaires du risque sont juridiquement et politiquement fondés à prendre des mesures de précaution sans attendre une confirmation scientifique. Il est en effet de la responsabilité des décideurs de prendre les dispositions nécessaires pour protéger les consommateurs. Rappelons à nouveau à ce propos que les citoyens sont aujourd'hui plus exigeants qu'hier en matière de sécurité des aliments. Ils privilégient d'avantage la sécurité sanitaire par rapport à d'autres impératifs qui avaient pu dans le passé l'emporter, dans un contexte où l'offre alimentaire est suffisamment large pour offrir des capacités de substitution.

Afin de préciser le concept de l'approche de précaution, je vais présenter un exemple de l'usage de la précaution dans la gestion des risques concernant la crise de la dioxine en Europe en 1999.

Exemple: Cette crise a débuté à la fin du mois de mai 1999, lorsque les autorités belges ont alerté la Commission européenne et les autres Etats membres de la forte contamination de certains produits d'origine animale par de la dioxine.

L'affaire avait commencé en Belgique quelques mois plus tôt, au mois de février, avec l'apparition de signes cliniques non habituels sur des cheptels de volaille. Les investigations menées par les services belges ont démontré que ces symptômes étaient liés à une intoxication des animaux par de la dioxine présente probablement dans leurs aliments, et ont permis d'identifier le producteur d'aliments pour animaux concerné ainsi que l'établissement ayant préparé les graisses utilisées dans les aliments, à l'origine du problème.

Les autorités belges ont alors effectué des enquêtes de traçabilité afin de déterminer quelle pouvait être l'ampleur des dégâts, informés la Commission européenne et les autres Etats membres, et décidé de détruire l'ensemble des _ufs et des volailles contaminés.

Compte tenu d'une part de l'effet carcinogène reconnu de la dioxine, de l'absence d'information précise quant à l'ampleur de la contamination (des concentrations en dioxine 700 fois supérieures aux limites fixées par l'Organisation mondiale de la santé avaient été détectées par les autorités belges dans certains aliments), l'adoption de mesures d'urgence s'est imposée alors que l'évaluation des risques était incomplète sur différents points. En effet, bien que le danger ait été connu, à savoir une contamination par de la dioxine,

l'identification du risque était imprécise puisque peu de données concernant les teneurs en dioxine acceptables dans les aliments en cas de contamination aiguë par ce type de contaminant étaient disponibles. La contamination chronique, mieux connue, était plus documentée ;

l'évaluation de l'exposition au risque était incomplète. L'ampleur exacte de la contamination, basée sur les informations reçues des autorités belges et complétée par les enquêtes de terrain et le prélèvement d'échantillons de produits d'origine animale en vue de la détection de la teneur en dioxine, n'était pas connue. Il faut préciser à ce propos que la méthode d'analyse permettant de rechercher les résidus de dioxine est l'une des plus difficile à mettre en _uvre. Il faut ainsi compter 5 à 6 semaines pour l'analyse d'un échantillon ;

Par conséquent les mesures de précaution suivantes ont été adoptées :

interdiction par décision de la Commission européenne de la mise sur le marché communautaire de produits contenant du lait, des _ufs, de la viande et des graisses issus de Belgique ;

retrait et destruction des produits d'origine belges pouvant être contaminés se trouvant sur le territoire français ;

compte tenu de l'introduction en France de deux lots de graisses suspectes provenant de l'établissement belge ayant préparé les graisses utilisées dans les aliments à l'origine du problème, une enquête de traçabilité a été réalisée sur le territoire français afin de détecter les cheptels ayant pu consommer des aliments susceptibles d'avoir été contaminés. Ces cheptels suspects ont été soumis à des mesures de restriction ;

retrait et destruction des produits issus des cheptels français suspects.

Conformément à l'accord SPS, la décision communautaire d'interdiction de la mise sur le marché communautaire de produits contenant du lait, des _ufs de la viande et des graisses issus de Belgique ainsi que les mesures de protection adoptées au niveau de la production française ont été amendées, puis progressivement levées au fur et à mesure de l'obtention d'informations plus précises sur l'identification du risque et l'exposition au risque (résultats d'analyses, avis scientifiques).

En conclusion, bien que d'un point de vue économique, le bilan de cette crise s'avère lourd (384 cheptels sous mesures de restriction, plus de 9 millions de tonnes d'animaux et de produits d'origine animale détruits), il est à constater que l'objectif des mesures adoptées, à savoir la protection des consommateurs, a été compris et accepté par l'ensemble des acteurs. Les consommateurs eux-mêmes ont été tenus informés de façon permanente par les décideurs et n'ont pas perdu confiance dans la politique menée en ne se détournant pas durablement des produits incriminés par cette crise. Enfin, aucune conséquence néfaste de cette contamination sur la santé humaine n'a jusqu'à présent été identifiée, ce qui tend à prouver l'efficacité des mesures mises en place.

L'exemple qui vient d'être décrit démontre que dans le domaine de la sécurité des aliments, le principe de précaution est utilisé dans des cas bien particuliers. Le gestionnaire de risque, c'est à dire le décideur, l'applique lorsqu'il y a un risque important pour la santé humaine et que toutes les données permettant d'évaluer le risque ne sont pas disponibles.

Cette approche, qui relève de la gestion du risque, n'est pas statique et est amenée à évoluer au fur et à mesure de l'obtention de données scientifiques supplémentaires dans le cadre de l'évaluation des risques, conformément aux dispositions de l'accord SPS de l'OMC. Ainsi, si l'application de la précaution peut engendrer temporairement des gênes ou restrictions commerciales, elle ne saurait être qualifiée de protectionnisme, puisqu'il s'agit d'un outil permettant au gestionnaire du risque la mise en place de mesures temporaires, susceptibles d'évoluer en fonction de l'évolution des données scientifiques disponibles, avec pour seule finalité de protéger la santé des consommateurs, des animaux ou des végétaux, droit reconnu par ce même accord.

C'est bien le sens de la résolution prise par le Conseil européen de Nice. Les Etats membres de l'Union européenne ont tenu à y préciser les lignes directrices du recours au principe de précaution et à en encadrer l'application par les autorités publiques responsables. Ils ont reconnu que lorsqu'une évaluation pluridisciplinaire, contradictoire, indépendante et transparente, menée sur la base des données disponibles, n'a pas permis de conclure avec certitude sur le niveau de risque, des mesures de gestion du risque doivent être prises sur la base d'une appréciation politique du niveau de protection recherché. Ils ont également affirmé que ces mesures doivent, lorsque le choix est possible, représenter les solutions les moins restrictives pour les échanges, respecter le principe de proportionnalité en tenant compte des risques à court et long terme, et enfin être réexaminées en fonction de l'évolution des connaissances scientifiques. Enfin, le Conseil a mis en exergue l'importance d'une consultation et d'une bonne information de la société civile. Il faut également constater que face à un public réagissant généralement de façon émotionnelle compte tenu de l'insuffisance de données scientifiques concernant un danger ou de l'incertitude sur l'étendue du risque, le principe de précaution vise aussi à gérer l'attente d'informations scientifiques complémentaires.

En outre, il faut également souligner que les risques sanitaires existent sur toute la planète, sont amplifiés par la mondialisation des échanges et peuvent affecter très gravement aussi bien des pays développés que des pays en développement qui peuvent être particulièrement vulnérables à cet égard. La mise en _uvre du principe de précaution, n'est donc pas à réserver aux pays les plus développés, mais doit également être perçue comme un facteur de développement permettant d'éviter les conséquences destructrices d'incidents sanitaires potentiels majeurs .

3. L'approche " de la ferme à l'assiette"

Pour assurer la sécurité des denrées alimentaires, il est désormais important de prendre en considération tous les aspects de la chaîne de production alimentaire dans sa continuité, à partir de la production primaire (y compris les aspects de santé et de protection animales) et de la production d'aliments pour animaux, jusqu'à la distribution des denrées alimentaires au consommateur final. Chaque élément peut avoir en effet un impact sur la sécurité sanitaire des aliments.

Exemples : Dans le cas de la crise de la dioxine en Belgique en 1999, on a pu démontrer que les fortes contaminations par de la dioxine de certains produits d'origine animale étaient dues à l'ingestion par des animaux de dioxine présente dans leurs aliments.

Par ailleurs, la mise en évidence de salmonelles dans les aliments peut être non seulement liée à des défauts d'hygiène au niveau des entreprises agroalimentaires, mais aussi à la contamination par ce germe des animaux dont ils sont issus.

Les changements socio-économiques apparus au cours des 30 dernières années prônent en effet en faveur de l'approche intégrée en matière de sécurité sanitaire des aliments. On peut citer notamment :

la modification des modes de production, de transformation de vente et de consommation des produits agricoles;

l'intensification et l'industrialisation de l'élevage, des cultures et de la fabrication d'aliments pour animaux ;

l'apparition de nouvelles maladies, telle l'ESB, et l'émergence de maladies transmises par les aliments (salmonelloses, maladies dues aux souches vérotoxiques d'E. coli par exemple) ;

la meilleure information du consommateur en la matière et l'augmentation de leurs exigences, de même que le changement de leur style de vie (notamment consommation accrue de plats cuisinés);

l'accroissement des échanges de denrées alimentaires, qui a conduit non seulement à l'obtention de denrées alimentaires moins chères et plus variées, mais aussi à complexifier le suivi du cheminement des produits depuis leur lieu de production jusqu'au consommateur final.

Cette approche intégrée de la gestion des risques a un certain nombre d'avantages.

Partant de l'expérience française en la matière, les enseignements suivants peuvent être tirés. Cette unicité facilite la circulation de l'information, l'exécution des décisions ainsi que la réalisation des contrôles . Elle permet une meilleure cohérence et une meilleure efficacité non seulement des réseaux d'épidémiosurveillance, c'est-à-dire le recueil d'informations en matière de maladies humaines et animales, mais aussi des mesures de lutte contre les zoonoses (salmonelloses par exemple) ou des plans de surveillance des contaminants des aliments. Cette approche de contrôle de filière s'avère particulièrement indispensable dans la gestion des risques liés à l'encéphalopathie spongiforme bovine : cohérence de suivi de la ferme (épidémiosurveillance) à la distribution (traçabilité des viandes), en passant par l'abattoir (retraits des matériels à risque spécifiés par exemple).

Enfin cette approche est l'un des garants de la traçabilité des denrées alimentaires et répond aussi à la démarche de rassurer le consommateur, à une époque où ses exigences en matière de sécurité sanitaire des aliments s'accroissent et où sa confiance s'est amoindrie (maladies émergentes, industrialisation importante de la filière, innovations et nouvelles technologies).

Je ne m'attarderai pas plus sur ce sujet qui sera développé en groupe de discussion.

4. La traçabilité

La traçabilité est un élément essentiel de garantie de la sécurité sanitaire des aliments. Lors de l'apparition d'un danger (par exemple une toxi-infection alimentaire), il convient en effet pour le gestionnaire du risque de pouvoir retrouver l'aliment incriminé, de procéder rapidement au retrait précis et ciblé des produits dangereux, d'informer les consommateurs ou les agents chargés du contrôle des aliments, de remonter le cas échéant toute la chaîne alimentaire de façon à connaître l'origine du problème et de le régler. C'est donc grâce aux enquêtes de traçabilité que les gestionnaires du risque limitent l'exposition au risque des consommateurs et de fait l'impact économique des mesures en ciblant les produits à risque.

Afin d'être efficace, le système de traçabilité doit concerner tous les stades de la filière, de l'animal vivant ou de la matière première au produit en cours de transformation fini, de l'exploitation d'élevage aux entreprises du secteur alimentaire en passant par les entreprises du secteur de l'alimentation animale.

Exemple : Dans l'Union européenne, tous les bovins sont identifiés. Un système informatisé, le réseau ANIMO permet de suivre les mouvements d'animaux au sein de l'UE. Lorsque les animaux sont abattus, l'abattoir consigne les renseignements relatifs aux animaux dans ses registres et dispose d'un système de traçabilité lui permettant de relier les carcasses qui en sont issues à un animal. Les carcasses sont munies d'une estampille permettant d'identifier l'abattoir d'origine. Par ailleurs, lorsque ces viandes sont mises sur le marché, elles sont accompagnées d'un document d'accompagnement indiquant notamment l'établissement de d'origine et l'établissement de destination. Ce type de système se répète à chaque niveau de transformation ultérieure des produits.

5. La gestion des risques sanitaires en cas d'urgence et des risques émergents

Malgré les contrôles mis en place par les gestionnaires du risque, l'incident demeure toujours possible. Afin d'assurer la sécurité des consommateurs, il importe que les gestionnaires du risque soient informés le plus rapidement possible de l'incident et disposent d'une évaluation aussi précise que possible du risque encouru afin de pouvoir mettre en place les moyens nécessaires pour faire cesser le danger.

La veille sanitaire est donc indispensable, et dans ce cadre la circulation de l'information est essentielle. Les sources d'alerte peuvent être variées. Je citerais les services de contrôle à l'échelon départemental ou central, les entreprises de production ou de commercialisation, une ambassade étrangère, ou organisme international, ou dans le cas particulier de l'Union européenne, le réseau d'alerte rapide. Ce réseau d'alerte rapide permet à un Etat membre constatant une anomalie grave en matière de sécurité sanitaire des aliments d'alerter l'ensemble des autres Etats membres et la Commission européenne de façon à ce que ceux-ci puissent rapidement appréhender tout danger auquel ils peuvent être potentiellement exposés.

Par ailleurs, les scientifiques, les médias, les associations de consommateurs sont aussi des sources d'alerte.

En outre, gérer les risques sanitaires en cas d'urgence ou les risques émergents nécessite une bonne collaboration des services de contrôle chargés de la sécurité sanitaire des aliments et des procédures efficaces de retrait du marché des produits suspects.

Exemple : En France, un dispositif de veille sanitaire a été créé par voie de loi en 1998. Il a mis en place l'Institut de veille sanitaire (IVS) qui s'appuie sur les cellules interrégionales d'épidémiologie et les directions départementales des affaires sanitaires et sociales. L'IVS a 3 missions :

la veille sanitaire et l'observation de la santé de la population ;

l'alerte et la recommandation de toutes mesures appropriées aux gestionnaires du risque ;

l'identification et la cause de modification de l'état de santé de la population, notamment en situation d'urgence.

C'est ce dispositif qui permet par exemple d'identifier des cas groupés de listériose humaine et de mettre en _uvre le plus rapidement possible un dispositif coordonné entre toutes les administrations chargées de la gestion du risque (le Ministère des affaires sociales et de l'emploi, le Ministère de l'agriculture et de la pêche, le Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie) pour rechercher l'aliment à l'origine de la contamination.

6. Prise en compte des préoccupations socio-économiques

La mise en _uvre de la réglementation visant à protéger la santé du consommateur ne peut être efficace que si le gestionnaire du risque connaît les moyens que les entreprises et les producteurs peuvent consacrer à la maîtrise de ces risques. Aussi est-il recommandé d'associer pour avis les professionnels à l'élaboration des textes réglementaires. C'est le cas notamment en France. Ces relations impliquent diverses structures, que ce soit des structures purement professionnelles (association nationale des industries agroalimentaires, syndicats professionnels, groupements de défense sanitaire) ou des structures pluridisciplinaires (Conseil national de l'alimentation et Conseil national de la consommation par exemple).

En ce sens, il est reconnu que l'évaluation des risques ne peut à elle seule, dans certains cas, fournir toutes les informations sur lesquelles une décision de gestion de risque doit se fonder. En réponse à des attentes de la société civile et des consommateurs, d'autres facteurs pertinents doivent légitimement aussi pouvoir être pris en considération, notamment des facteurs sociétaux, économiques (faisabilité technique, incidence économique), traditionnels, éthiques (bien-être animal) et environnementaux, ainsi que la faisabilité des contrôles.

III. QUEL PEUT ÊTRE LE RÔLE DES PROFESSIONNELS DE LA CHAÎNE ALIMENTAIRE DANS LA GESTION DES RISQUES ?

Les professionnels ont la responsabilité première de la mise sur le marché de leurs produits. Ils peuvent participer à la politique menée en faveur de la sécurité sanitaire des aliments de diverses manières.

1. Les autocontrôles et l'accréditation des laboratoires d'entreprise

Les entreprises agroalimentaires peuvent maîtriser la qualité sanitaire des denrées alimentaires qu'elles produisent en faisant réaliser, de leur propre chef, des analyses de laboratoire sur leurs produits ainsi que par un dispositif approprié de suivi des processus de production : c'est ce que l'on appelle les autocontrôles. Ainsi, le cas échéant, elles peuvent intervenir immédiatement, en amont des contrôles officiels, pour remédier à un problème sanitaire (par exemple, lors de la constatation d'un défaut d'hygiène).

Ces entreprises peuvent faire appel à un laboratoire extérieur, ou alors disposer de leur propre laboratoire d'analyse.

Pour donner la crédibilité nécessaire à leurs analyses , les entreprises peuvent s'engager sur la voie de l'accréditation de leur propre laboratoire d'analyse. Elles donnent ainsi des garanties de fiabilité et de transparence qui sont reconnues par l'autorité de contrôle et par leurs propres clients.

2. Les guides de bonnes pratiques d'hygiène

En France, plusieurs filières se sont dotées de guides de bonnes pratiques d'hygiène recommandées par le gestionnaire du risque (réglementations française et communautaire). Ces guides, rédigés par les organisations professionnelles et validés par l'autorité compétente sur avis scientifique du Conseil supérieur d'hygiène publique de France, se fondent sur la mise en _uvre du système HACCP qui permet de définir préventivement les moyens de maîtrise et de surveillance des risques spécifiés identifiés.

3. Le développement de la certification d'entreprise

Il s'agit d'un système volontaire qui consiste à faire certifier la démarche de maîtrise de la qualité de l'entreprise. En France, la certification est réalisée par un organisme indépendant et accrédité, tel que l'Association française pour l'assurance qualité (AFAQ). Plus de 1000 sites industriels agroalimentaires français disposent déjà d'un certificat d'assurance qualité résultant de la mise en _uvre des normes ISO 9000. depuis peu, le lien suggéré par les consommateurs entre la préservation de l'environnement et celle de l'état de santé des populations, engage les entreprises vers des systèmes de gestion environnementaux (procédure ISO 14000).

4. Le recours à la normalisation des produits

Les normes signalent une volonté de contracter un certain nombre d'engagements. De nombreuses entreprises mettent ainsi en place des référentiels techniques qui décrivent les caractéristiques des produits, le processus de fabrication ou encore les méthodes d'analyse et de contrôle, qui résultent de la démarche volontaire. En France, cette pratique est bien intégrée ; l'Agence française de normalisation (AFNOR) coordonne l'élaboration de ces normes.

5. Contribution à la traçabilité des produits

Il s'agit d'établir et de tenir à jour des procédures écrites d'information enregistrées et d'identification des produits ou lots de produits, à l'aide de moyens adéquats, en vue de permettre de remonter aux origines et de connaître les conditions de production et de distribution de ces produits ou lots de produits.

La traçabilité est un élément essentiel pour les systèmes de certification d'assurance qualité ou de certification de produits, et les entreprises agroalimentaires françaises sont de plus en plus nombreuse à la mettre en _uvre.

6. Au niveau de la distribution

Autocontrôles et systèmes de maîtrise de la qualité peuvent être mis en place à ce niveau.

Cette présentation du thème de la gestion du risque abordé au cours de ce forum n'est pas exhaustive. Elle donne un certain nombre de pistes sur les outils de gestion de risque à la disposition des responsables réglementaires de la sécurité sanitaire des aliments et des professionnels, pour répondre aux préoccupations et aux attentes des consommateurs.